Sorda

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Le titre de Sorda signifie tout simplement «sourde» en espagnol et le pari du film est de nous faire mieux comprendre ce handicap, qui se trouve être celui de la sœur de la cinéaste. Elle joue ici un personnage et il s'agit donc bien une fiction, mais particulièrement ancrée dans le réel. Au départ, c'est juste la chronique d'un couple «mixte» dont le mari est entendant. Hector et Angela sont parvenu·es à un bel équilibre malgré la surdité de celle-ci. Il a appris la langue des signes, elle à lire sur les lèvres, et c'est ainsi qu'ils peuvent mener une existence tranquille, en bordure d'une ville anonyme (le film a été tourné à Murcie, dans la province de Grenade). Mais tout est remis en cause le jour où Angela tombe enceinte: lorsque sa mère ne partage pas la joie générale, on devine que rien ne sera plus comme avant. Après un accouchement éprouvant, l'apprentissage parental s'avère en effet délicat et l'humeur d'Angela devient instable. Ce basculement est décrit par la cinéaste avec beaucoup de finesse psychologique. Mais son film ne serait encore pas grand-chose sans une magnifique idée formelle: à un moment donné, elle nous fait carrément basculer dans la perception sonore de sa protagoniste. À ne plus entendre qu'une vague rumeur, on prend alors vraiment conscience de ce qu'est ce handicap. Idem lorsqu'Angela se résout à utiliser un appareil auditif et que le son, désagréable, devient terriblement stressant. Toutes ses frustrations, qui la faisaient paraître trop susceptible, deviennent évidentes et on mesure mieux les difficultés auxquelles le couple doit faire face. Véritable test d'empathie, Sorda en devient une expérience mémorable qui rejoint les meilleurs films sur ce thème, de Mandy (Alexander Mackendrick, 1951) à Children of a Lesser God (Randa Haines, 1986).